Alors que le Maroc ne communique pas d’informations sur ses engagements militaires dans le conflit armé qui a repris entre son armée et l’Armée Populaire de Libération Sahraouie, ses agents ciblent les moyens de communication des sahraouis, et notamment des journalistes indépendants.
Les réseaux dits sociaux sont un des rares moyens pour les sahraouis de se rassembler virtuellement, s’organiser et s’exprimer.
Depuis le 13 novembre, date de la reprise des combats au Sahara Occidental, les comptes de plusieurs sahraouis, dans les territoires occupés, dans les campements de réfugiés ou ailleurs en exil, ont été ou sont temporairement – et pour des durées variables – inaccessibles ou restreints.
Dans le territoire occupé militairement par le Maroc, les bloggeurs et militants suivants ont connu des restrictions ou des interdictions d’utilisation de leurs comptes facebook.
El Mammia Habibi, une étudiante bloggeuse, vivant à Boujdour occupé, a été empêchée d’activité sur son compte Facebook pendant un mois suite à des «signalements». Elle est pourtant convaincue de respecter les règles de vocabulaire et de messages de ses publications. Cependant le contenu de ses informations reflète la réalité, c’est-à-dire la reprise de la guerre à cause du pillage des ressources naturelles du Sahara Occidental par le Maroc, avec au moins la collaboration l’Europe, la Russie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, la Chine, la Turquie…
Moulay Lehssan Douihi vit à El Aaiun occupée, il est un des blogueurs sahraouis les plus influents sur les réseaux sociaux. Il a été menacé à plusieurs reprises dans des messages, mais il a continué de s’exprimer sur les réseaux sociaux et de diffuser des informations sur l’évolution des opérations militaires menées par le Front Polisario depuis le 13 novembre 2020.
«J’ai publié de façon respectueuse et pacifique. Mais ça ne plaît pas les services marocains qui ne veulent pas que les marocains trouvent des informations sur la guerre. Ils m’ont signalée et je ne peux plus accéder à mon compte. La punition de Facebook est basée sur de fausses déclarations. Pendant 7 jours je ne pourrai pas publier ou diffuser des infos».
Babouzayed Mohamed Said, Président de l’association sahraouie Codesa, de El Aaiun occupée a lui aussi été interdit d’activité sur son compte pendant une semaine.
Baih Jamaa est bloggeur et activiste des droits de l’homme. Il habite à El Aaiun et a été de même empêché d’activité sur son compte facebook pendant une semaine.
Isalmou Etaoubali est lui aussi bloggeur de El Aaiun et il a partagé des informations sur la guerre et les restrictions de circulation, les oppressions et surveillances imposées aux civils sahraouis depuis le 13 novembre. Il a été « signalé » et a aussi été empêché de toute publication pendant une semaine.
Les sahraouis militants qui relaient ou écrivent des informations sont aussi visés dans le monde entier.
Said Zeroual, rédacteur en chef au site web futurosaharaui.net est interdit de publier des vidéos en direct pendant un mois sur son compte Facebook. Les publications écrites ont été bloquées pour 24 heures. Il est actif depuis la Suède.
Mohamed Limam Dih, membre d’Équipe Média, agence sahraouie de presse indépendante du territoire occupé, et vivant en Espagne, a été sporadiquement empêché de publier sur son compte Facebook. Puis il lui a été impossible d’accéder à son compte pour 24 heures.
L’administration de Facebook a justifié cette interdiction d’expression par un manquement au respect de leur charte. Néanmoins les informations publiées ne concernent que la cause sahraouie, des échanges sur le conflit et sa qualification par l’ONU d’affaire de décolonisation, comme avant la reprise de la guerre. Il est très probable que les « signalements » ayant entraîné les restrictions soient l’œuvre des services marocains, du fait que certaines vidéos dépassent le million de vues.
Bachir Mohamed El Hassan, rédacteur en chef du journal espanaenarabe.com, spécialisé sur l’immigration et le terrorisme a lui aussi été interdit de publier des vidéos en direct pendant un mois. Les supposés services marocains ont particulièrement signalé ses remarques sur la guerre et son avis du silence du Maroc sur les pertes et dégâts matériels et humains de son armée. Il vit en Espagne.
Zaini Talb, bloggeur sahraoui vivant au Canada et El Ghouth Said journaliste des camps de réfugiés pour l’Agence Sahraouie de Presse n’ont pu accéder à leur compte Facebook pendant 48 heures suite à leur publication des déclarations militaires de l’ALS.
Ali Bouya Ettafah Moussa est activiste bloggeur, il vit en Espagne. Son compte Facebook a beaucoup de fans. Il donne des informations sur la guerre du mur et le silence des médias marocains. « Les réseaux sociaux sont les véritables outils qui peuvent lever toute ambiguïté sur ce qui se passe au Sahara Occidental. Je poste régulièrement les déclarations de l’APLS ainsi que des informations et interviews avec des combattants sahraouis. Mon but est d’arrêter la propagande marocaine et sa tromperie constante. » Son compte a été suspendu pour 7 jours.
Quand le silence marocain, sa capacité à étouffer et nier la réalité du conflit, du droit international et de la guerre sont appuyés par les systèmes de communication dit libres entre les humains, alors il y a fort à soupçonner que ces moyens ne sont pas aussi indépendants ni gratuits et libres qu’ils l’affirment. Il semble qu’il soit possible de mettre le prix pour leur complicité au silence et à l’injustice.
Équipe Média, le 9 décembre 2020
El Aaiun, Sahara Occidental occupé